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La Chaire a lu pour vous Comment les économistes réchauffent la planète ? d’Antonin Pottier

Publié le 28 octobre 2019

Comment les économistes réchauffent la planète [1]. C’est à travers cet ouvrage au titre volontairement provocateur qu’Antonin Pottier, maître de conférences à l’EHESS, développe sa thèse selon laquelle les économistes contribuent à enrayer toute mise en place d’action effective contre le changement climatique.

L’auteur revient brièvement sur la situation climatique, qui s’aggrave. Les activités humaines dégagent une grande quantité de gaz à effets de serre, qui, une fois prisonniers dans l’atmosphère, piègent la chaleur des rayons du soleil. Il existe néanmoins de nombreuses incertitudes, par exemple sur la réaction du système climatique face à une forte augmentation de la concentration atmosphérique en gaz à effets de serre ou encore sur les dommages du réchauffement climatique sur les sociétés humaines.

Les économistes ciblés par Antonin Pottier dans cet ouvrage sont des économistes orthodoxes, du « centre de la discipline », c’est à dire, des économistes dont les travaux sont très théoriques et généraux. Il est par exemple reproché à ces économistes leur trop profonde croyance en les bienfaits du marché. L’auteur appelle « fondamentalisme de marché » la capacité de ces économistes à croire aveuglement en la perfection du marché. Ce fondamentalisme constitue un terreau fertile pour le climato-scepticisme dans la mesure où puisque les défaillances de marché sont inexistantes sur ces marchés parfaits, le réchauffement climatique (qui est une défaillance de marché) ne peut pas exister.

Parmi les économistes du « centre de la profession » décrits par l’auteur, il en existe tout de même certains qui considèrent le réchauffement climatique comme un problème économique. Ces économistes recherchent le réchauffement optimal. Ils ne souhaitent pas limiter au maximum le réchauffement climatique mais ils veulent, à l’aide d’outils tels que l’analyse coût-bénéfice, trouver le réchauffement qui minimiserait son coût pour la société. Cette recherche de l’optimum, en les plaçant au centre de la gestion du problème climatique, élève les économistes par rapport aux experts des autres disciplines.

L’auteur revient ensuite sur la controverse liée au taux d’actualisation. Lorsque l’on met en place une politique de lutte contre le réchauffement climatique, les bénéfices n’en seront visibles que dans le futur. Cependant, un bénéfice obtenu dans le futur a moins de valeur que le même bénéfice obtenu tout de suite, d’où la nécessité d’utiliser un taux d’actualisation pour évaluer les bénéfices du futur. Or, ce choix du taux d’actualisation, qui conditionne la mise en place d’une politique climatique, dépend de l’importance que nous attachons aux générations futures et est donc sujet à débat entre les économistes.

Finalement, l’auteur fustige la « croyance dogmatique » qu’ont les économistes en un prix unique mondial du carbone pour régler le problème climatique. Cette solution, efficace en théorie, ne peut pas fonctionner car il n’existe pas d’institutions supérieures aux états assez puissantes pour qu’un marché mondial du carbone ait lieu. Des institutions doivent exister pour réunir les conditions de la mise en place d’un marché.

Antonin Pottier tombe parfois dans la facilité de la critique des économistes hétérodoxes envers l’économie orthodoxe. Par exemple lorsqu’il reproche leurs biais statistiques aux études économétriques sur les impacts du réchauffement climatique ou encore lorsqu’il ironise le monde parfait dans lequel les économistes théoriques vivent. Cependant, il nous invite tout de même à réfléchir sérieusement à la façon dont les économistes abordent la question du réchauffement climatique. L’auteur montre les limites du raisonnement économique lorsqu’il évoque l’incapacité des économistes à envisager un changement climatique catastrophique pour les sociétés humaines. Il nous donne également des pistes pour améliorer la prise en compte des effets du changement climatique dans l’analyse économique. Il cite par exemple les travaux de Weitzman qui indiquent que les analyses coût-bénéfices sont incomplètes du fait de la difficulté de prendre en compte l’augmentation des catastrophes naturelles.

Maxime Ollier, doctorant « Effets du changement climatique sur les inégalités de revenus des agriculteurs »

[1], Antonin Pottier, Comment les économistes réchauffent la planète, (2016), Anthropocène Seuil, 18.00 € TTC, 336 pages