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La Chaire a lu pour vous Don’t event think about it de George Marshall

Publié le 24 janvier 2022

Dans son livre « Don’t Even Think About It » [1] (N’y pensez même pas), George Marshall explique pourquoi nous persistons à ignorer le changement climatique malgré l’existence de nombreuses preuves scientifiques. En s’appuyant sur les sciences sociales, Marshall montre que le changement climatique est avant tout un défi psychologique. Il explique pourquoi l’être humain préfère ignorer le changement climatique et ses conséquences et conclut sur la façon d’adapter le récit autour du changement climatique pour changer notre instinct de déni.

Cofondateur de la première organisation britannique à but non lucratif spécialisée dans la communication autour du changement climatique[1], George Marshall a fait campagne à différents postes sur les thèmes du changement climatique et des droits sociaux depuis plus de 25 ans. L’auteur s’appuie sur sa longue expérience et relate de nombreuses anecdotes passionnantes qu’il a accumulées pour étayer ses propos.

Le livre est composé de 39 chapitres qui traitent des obstacles psychologiques à l’action contre le changement climatique. Par exemple, Marshall explique que les données scientifiques ne suffisent pas à créer un appel à l’action. Les rapports du GIEC[2] alertent la partie rationnelle du cerveau humain de l’existence d’une menace, mais ils ne déclenchent pas nécessairement une réponse suffisante de la partie émotionnelle de notre cerveau.

Le large éventail de participants au débat sur le changement climatique que l’auteur inclut dans ce livre suscite l’intérêt du lecteur. Ce livre consacre en effet des chapitres aux entretiens de l’auteur avec des scientifiques allant du psychologue David Kahneman, lauréat du prix Nobel, à d’autres spécialistes des sciences sociales, en passant par des experts mondiaux du climat. Loin de s’enfermer dans une bulle scientifique, il raconte également ses échanges avec des écologistes libéraux et des évangélistes conservateurs. Il partage même ses discussions avec des militants texans du Tea Party et d’autres fervents négateurs et sceptiques du changement climatique. En écrivant le livre sous formes de successions d’anecdotes et de discussions, Marshall touche les lecteurs sur un niveau personnel et émotionnel, comme cela devrait être fait pour les récits sur le changement climatique.

Marshall conclut que notre inaction face au changement climatique découle de ce que nous avons tous en commun : notre nature humaine, c’est à dire, nos origines évolutives, nos perceptions des menaces et la façon dont nous les gérons, nos biais cognitifs, notre besoin de raconter des histoires, notre peur de la mort et nos instincts les plus profonds de défendre notre famille et notre tribu. Selon l’auteur, le meilleur moyen d’inciter un large public à agir contre le changement climatique est donc de faire appel à ces traits universels.

L’auteur suggère également de recadrer notre narration du changement climatique et de l’adapter aux différentes populations. Les nombreux obstacles psychologiques qui nous empêchent de comprendre le changement climatique comme une menace réelle doivent être pris en considération lors de la création de cette narration. S’adressant aux militants et aux politiciens, Marshall leur dit de « se retirer et d’encourager de nouveaux communicateurs ». Provocateur, il suggère même aux écologistes de « laisser tomber les trucs écolos », en faisant allusion à l’utilisation répétée de l’image d’un ours polaire échoué sur un glacier qui fond. Il insiste sur la nécessité d’articuler le changement climatique autour de valeurs plus larges et universelles, par exemple en le décrivant comme une menace pour notre foyer, ce qui en fait une quête communautaire et évite les clivages politiques.

Ce livre fournit des exemples détaillés permettant aux lecteurs préoccupés par le climat de comprendre les points de vue différents du sien, autour de la thèse de Marshall selon laquelle nous sommes tous mus par les mêmes instincts et valeurs. Sur cette base, Marshall nous fournit une excellente boîte à outils pour mieux définir le défi du changement climatique afin d’atteindre la partie émotionnelle de notre cerveau et ainsi éviter le déni.

Marie Raude, doctorante Analyses des comportements de couverture contre le risque des acteurs de l’EU ETS : une approche économique et financière.

[1] George Marshall, Don’t Even Think About It: Why Our Brains Are Wired to Ignore Climate Change, Ed. Bloomsbury, 2014. 242p.

[1] Climate Outreach and Information Network, COIN

[2] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat