Matthieu Glachant est professeur d’économie à Mines Paris-PSL, spécialiste de l’économie de l’environnement, et en particulier de l’adaptation au changement climatique.
François Lévêque est professeur d’économie à Mines Paris-PSL, spécialiste des questions d’énergie-climat et de concurrence. Il a publié plusieurs ouvrages de vulgarisation sur ces thèmes.
Dans Survivre à la chaleur [i], Matthieu Glachant et François Lévêque se penchent sur l’adaptation au changement climatique et rassemblent dans un ouvrage accessible les principales conclusions des littératures scientifiques et économiques. Au-delà de considérations générales sur l’adaptation et sa comparaison avec l’atténuation, les auteurs abordent concrètement les besoins, possibilités et impacts de l’adaptation s’agissant des vagues de chaleur, des feux de forêts, de l’enneigement en montagne, de la montée des eaux ou encore de l’agriculture. Sans en faire l’évaluation exhaustive ni prôner une même solution pour tous les enjeux, chaque chapitre renvoie aux grandes orientations des politiques publiques en place et souligne les échelons de gouvernance pertinents. Les auteurs accordent leurs derniers chapitres aux inégalités : d’exposition au changement climatique, de capacité d’adaptation ou dans les politiques publiques, au sein d’un pays tout comme entre Nord et Sud global. Cet ouvrage à quatre mains offre donc un panorama clair et circonstancié des enjeux de l’adaptation au changement climatique pour la France et ailleurs.
Une adaptation nécessaire, en cours mais à organiser.
Le changement climatique produit déjà ses effets. Les études rapportées dans ce livre nous l’indiquent clairement qu’il s’agisse de l’augmentation de la probabilité des feux de forêts, de la baisse de l’enneigement en montagne ou de pertes de rendements agricoles. En conséquence, des comportements d’adaptation spontanés voient le jour à l’échelle individuelle – essais de nouvelles espèces cultivables ou augmentation du recours aux engrais, acquisition de climatiseurs, d’enneigeurs – et plus rarement collective – construction de digues, modification des règles d’assurance, dispositifs d’information.
Le développement économique, notamment dans les pays du Sud, constitue ainsi souvent une voie d’adaptation spontanément choisie. Réciproquement, l’adaptation crée des opportunités de développement. Mais ces initiatives doivent être coordonnées pour être efficaces et pérennes. La résistance aux vagues de chaleur par la climatisation en fournit le meilleur exemple : survie favorisée et productivité accrue mais émissions de gaz à effet de serre augmentées si la production électrique associée reste carbonée et creusement des inégalités puisque seuls les plus riches peuvent s’équiper. L’action publique doit jouer, pour les auteurs, ce rôle de coordination.
Construire des politiques publiques de l’adaptation.
L’adaptation met en œuvre des solutions aux impacts locaux, ou du moins qui concernent les communautés agissantes, et ce dès l’action. Par rapport à l’atténuation qui n’a des effets que mondiaux et futurs, l’adaptation s’insère facilement dans le cadre des institutions nationales ou locales existantes, d’autant plus que certains résultats sont immédiatement perceptibles et ont donc une forte valeur politique ajoutée.
Sur la base de nombreux cas d’étude, les auteurs plaident pour des politiques publiques de l’adaptation sélectives à deux titres : dans les actions encouragées afin d’en garantir la cohérence avec les efforts d’atténuation, leur efficacité à long terme ou compenser des effets de passager clandestin, et dans les populations soutenues afin de cibler les plus vulnérables et non les plus exposées.
Dans Survivre à la chaleur, Matthieu Glachant et François Lévêque introduisent in medias res le lecteur aux grands instruments de l’économie de l’environnement : analyse coûts-bénéfices et ses limites, monétarisation de biens non-marchands et valeurs d’existence, externalités, études d’attribution ou par scénarios. Loin d’une approche purement académique, il s’agit de donner à voir les chemins pris pour répondre secteur par secteur, milieu par milieu, au changement climatique, ses effets présents et futurs, et évaluer les différentes options d’adaptation. Cette lecture convainc de l’importance égale de l’adaptation et de l’atténuation – voire de la possibilité de rendre plus acceptable la seconde en ce qu’elle est requise par la première. Elle éclaire sur leur nécessaire discussion commune et leurs points de tension environnementaux, économiques ou politiques. Enfin, elle nous équipe d’évaluations récentes pour de nombreux cas concrets, de la submersion aux feux de forêt.
Julien Ancel – doctorant CEC.
[i] Glachant, M., Lévêque, F., Survivre à la chaleur, Ed. Odile Jacob, Janvier 2025, pp. 240.