Interviews

3 questions à Hélène Le Téno

Publié le 27 février 2019

Hélène Le Teno est ingénieure (diplômée de l’École nationale des Ponts et chaussées), spécialiste des transitions écologiques et numériques, directrice du GROUPE SOS Transition Écologique. Elle co-dirige par ailleurs le cabinet Auxilia Conseil, qui accompagne les entreprises et les territoires: prospective stratégique, design de nouveaux modèles économiques performants, accélération de la transition (leviers humains et financiers).  Elle est co-auteure avec Alain Grandjean de Miser (vraiment) sur la transition écologique, publié en 2013 aux Éditions de l’Atelier.

Comment faire en sorte que la transition écologique réduise les inégalités entre territoires ?

La transition écologique est un excellent levier pour favoriser un développement économique plus équilibré : agriculture durable – qualitative, plus intense en emplois associés à une transformation locale et une distribution en circuits courts de proximité – à la fois en zone rurale et périurbaine ; production d’énergies renouvelables « déconcentrées » dans toutes les régions ; rénovation thermique à travers tous les territoires; boucles locales pour les projets d’économie circulaire. Le gisement d’emplois lié à ces activités reste à concrétiser, mais est estimé en ordre de grandeurs à plusieurs millions d’emplois dans de nombreux rapports.

Cette (re)dynamisation de tous les territoires permet de créer de la valeur et des emplois pérennes, non délocalisables, en prenant soin du capital naturel – et de fait est une contribution majeure à la réduction des inégalités de revenus et d’accès aux services. Les exemples nombreux de TEPOS (territoires à énergies positive) qui pour certains connaissaient des difficultés socio-économiques fortes en sont l’illustration.

Pour y parvenir, il est nécessaire à la fois de financer l’ingénierie territoriale portée par les collectivités –en lien fort avec les forces vives économiques et ESS (économie sociale et solidaire) du territoire, et de soutenir également directement les agents de cette économie de demain : en les appuyant pendant les phases d’expérimentation et d’innovation, en levant les barrières à leur changement d’échelle. En particulier, les investissements d’avenir – nécessaires pour soutenir cette transition sont souvent atypiques, diffus, portant sur du capital naturel et humain autant et souvent plus que financier ou matériel.

Peut-on utiliser cette transition pour faciliter la réinsertion sur le marché du travail ? 

Concilier l’urgence sociale (grande précarité), les besoins humains (accès à un emploi comme moyen de subsister et de s’épanouir) avec la transition énergétique, et plus largement écologique, est possible.

C’est le cas de plusieurs programmes qui ont été menés en France et à l’étranger. Des dispositifs comme Soleni (à Grenoble) ou EnergieSpar (de Caritas en Allemagne) permettent l’accompagnement personnalisé de locataires en précarité énergétique par des personnes elles-mêmes en insertion. La qualité du lien qui est tissé permet d’aboutir à des réductions pérennes et significatives de la consommation énergétique et des factures associées, ainsi qu’à une sortie dynamique vers la formation et l’emploi pour les accompagnants.

Quels sont les axes stratégiques du groupe SOS en la matière ?

Au GROUPE SOS, nous portons depuis longtemps la conviction que chacun peut avoir sa chance et trouver sa voie. Notre structure ActaVista, basée à Marseille, est centrée sur l’insertion professionnelle par la rénovation du patrimoine bâti ancien. Les personnes accompagnées en insertion se forment ainsi à des métiers et compétences du secteur de la construction. En partenariat avec BaoFormation, ActaVista a expérimenté un parcours de formation vers le métier d’installateur de panneaux solaires- une nouvelle façon de faire rimer insertion avec transition énergétique.

Par ailleurs, nous sommes actifs sur l’insertion sociale et professionnelle par la réduction des fractures d’accès à la mobilité : notre structure WiMoov a renforcé son accompagnement en proposant de préférence des solutions de mobilités vertes aux personnes accompagnées – notamment par le recours à un cofinancement par les CEE Précarité Transport.

Enfin, depuis 3 ans, nous avons saisi les enjeux de la transition agricole et alimentaire comme levier de développement territorial, de transformation de l’agriculture française (fortement challengée par la vague de départ en retraite des agriculteurs, l’évolution de la PAC, et la mutation de la demande) et d’accès au mieux manger pour tous – en contribuant ainsi à la réduction des inégalités de santé liées à l’alimentation.

Nous développons plusieurs pôles territoriaux de transition agricole et alimentaire, avec des financements hybrides (publics, privés), et portons des programmes de formation innovants (compagnonnage sur des fermes agro-écologiques) pour renforcer les compétences et les chances de succès des compagnons dans leur métier vert demain.