Club de lecture

La Chaire a lu pour vous L’agroécologie peut nous sauver – de Marc Dufumier et Olivier Le Naire

Publié le 25 mars 2020

« L’agroécologie peut nous sauver » [1] retrace les entretiens réalisés par Olivier Le Naire, journaliste, essayiste et grand reporter, avec Marc Dufumier. Ce dernier est un agronome et enseignant-chercheur français. Il a notamment dirigé la Chaire d’agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech de 2002 à sa retraite en 2011.

Décrit par Olivier Le Naire comme un « homme de terrain pragmatique et concret, baroudeur libre et engagé » (p.12), M. Dufumier s’attarde tout au long de ces entretiens à transmettre ses connaissances et ses expériences acquises au cours de ces multiples voyages et rencontres avec les agricultures du monde.

Formé à l’Institut National Agronomique (aujourd’hui AgroParisTech) à l’ère de la Révolution Verte, du tout chimique et de ce qu’il qualifie de « sacro-saint Progrès » (p.47) des années 60, Marc Dufumier est allé découvrir les pratiques culturales des différents continents pendant ses années de coopération internationale et à la suite de ses études. Marqué par l’inadéquation de ses conseils d’agronome avec la diversité des problématiques locales, il est depuis profondément convaincu qu’un retour à des pratiques plus naturelles, équitables et pleines de bon sens est la clé à nombreux de nos maux. En somme, il aspire à un virage serré vers ce qu’il définit comme « l’agroécologie ».

Il définit ce mouvement et cet ensemble de pratiques comme une optimisation et un « usage intensif » (p.35) des ressources que nous offre la nature.

Les fondamentaux semblent simples : utiliser au mieux l’énergie solaire qui produit la photosynthèse des plantes ; mettre en place des couverts végétaux diversifiés pour éviter le gaspillage d’eau et l’érosion des sols ; associer cultures et arbres pour puiser les éléments minéraux essentiels au plus profond ; préserver et entretenir la biodiversité des éléments du paysage et des sols en évitant le labour et en apportant de la matière organique…

La crise écologique et la chute drastique de biodiversité nécessite de réduire considérablement nos utilisations d’intrants de synthèse. L’ensemble des produits en « cides » qui, il ne manque pas de le rappeler tout au long du livre, signifie tout simplement « tuer », regroupés dans la grande famille des pesticides se sont rendus indispensables à notre agriculture industrielle et requiert d’être substitués par la réintroduction des prédateurs naturels et les associations pertinentes de cultures.  

Pour faire court, Marc Dufumier en appelle à revenir aux racines de l’agriculture, remiser sur le naturel plutôt que sur la chimie pour « cesser de tuer les sols, de tuer les vers de terre, de tuer les abeilles, de tuer les paysage, de tuer la planète, de tuer les hommes, de tuer l’emploi. » (p.42)

Ce constat, dressé au cours des réponses aux nombreuses questions d’Olivier Le Naire, est accompagné d’exemples concrets et de faits historiques. Marc Dufumier revient ainsi sur l’évolution du monde agricole, les problématiques foncières, sur le malaise contemporain et l’incompréhension entre zones rurales et urbaines ainsi que sur les orientations politiques, notamment de la Politique Agricole Commune, qui ont influencé considérablement les choix de production.

Toujours pris sous le prisme de la production agricole, Marc Dufumier, dans un discours qui peut sembler particulièrement optimiste, est convaincu que l’agroécologie offre les solutions. Sous l’influence de la société civile, il requiert, selon lui, de peser sur nos élus et de faire émerger un véritable plaidoyer citoyen face aux lobbyings industriels afin de « lancer une révolution agroécologique » (p.57) ; « nourrir le monde » (p.79), l’agroécologie étant capable selon lui de largement nourrir sainement 10 milliards de personnes ; « préserver notre santé et notre environnement » (p.93) ; « lutter contres les inégalités Nord-Sud et résoudre les problèmes migratoires » (p.101) et « réconcilier les villes et les campagnes » (p.114).

En concluant par la présentation de dix mesures à mettre en place prioritairement, ce livre, édité non sans hasard dans la collection « Domaine Du Possible », dresse, au travers du retour d’expérience de M. Dufumier, le constat d’une agriculture qui s’est fortement mondialisée et propose, par le biais d’une approche discutable, un autre modèle de production et de société.

Richard Koenig, Doctorant « L’assurance récolte comme outil d’adaptation et d’atténuation dans un contexte de changement climatique »

[1], Marc Dufumier & Olivier Le Naire, L’agroécologie peut nous sauver, (2019), Actes Sud, Domaine Du Possible, 18,50 € TTC, 160 pages.