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La Chaire a lu pour vous Le Casino climatique : risques, incertitudes et solutions économiques face à un monde en réchauffement de William Nordhaus

Publié le 27 novembre 2019

William Nordhaus est professeur de science économique à l’Université Yale, notamment spécialisé dans la théorie des choix publics. Il reçoit, en 2018 avec son homologue Paul Romer, le « prix Nobel » d’Economie  pour ses travaux intégrant les effets du changement climatique dans les modèles économiques dynamiques.

Suite à cela, son ouvrage « Le Casino climatique : risques, incertitudes et solutions économiques face à un monde en réchauffement » [1] datant de 2013 a été à nouveau publié en 2019. Il faut donc être conscient du décalage dans le temps de ce livre et ainsi ne pas être étonné de l’absence d’une discussion au sujet des accords de Paris de 2015 ou encore des derniers rapports du GIEC, dont notamment celui concernant le réchauffement climatique de 1,5°C.

L’auteur illustre, tout au long de l’ouvrage, le défi actuel du changement climatique à travers la métaphore d’un casino climatique et met ainsi en lumière la notion d’incertitude constante auquel nous sommes confrontés lorsque l’on s’intéresse du climat. En effet, selon lui, la croissance économique dont nous avons jouie produit des changements dangereux dans notre système climatique, qui vont eux-mêmes engendrer des conséquences imprévisibles et fort probablement dramatiques pour la vie humaine. Par ailleurs, les différentes analyses de Nordhaus sont appuyées par son modèle dynamique intégré climat-économie DICE représentant un modèle d’évaluation intégrant le climat avec d’autres aspects scientifiques et économiques du changement climatique permettant ainsi de mieux comprendre la situation actuelle mais également d’entreprendre des prévisions plus réalistes que ceux n’intégrant pas ces aspects.

Nordhaus commence par dresser un état des lieux de la climatologie en présentant les concepts généraux du changement climatique. Il expose rapidement le postulat de référence reliant les gaz à effet de serre à l’augmentation de la température de la Terre et se concentre sur les origines économiques et technologiques du changement climatique (telle l’exploitation des combustibles fossiles utilisée pour alimenter les différentes sociétés). De cela, il met en avant l’idée qu’un grand nombre de changements sont prévisibles mais que de nombreux événements non-prévus vont également surgir, pour réduire au mieux leur occurrence, il est alors nécessaire d’agir. De ce fait, selon lui, le changement climatique est à présent affaire d’économie et politique.

L’auteur analyse ensuite les incidences du changement climatique sur les différents systèmes humains et vivants. Il fait remarquer, dans un premier temps, la résilience aux changements climatiques des systèmes gérés comme l’agriculture et la santé s’ils disposent de temps et de ressources nécessaire pour s’adapter (bien que l’auteur tende à sous-estimer la difficulté de voir cette résilience effectivement se réaliser). Dans un second temps, il se concentre sur les incidences des systèmes non-gérés et ingérables (élévation du niveau des mers, intensification des ouragans, acidification des océans et perte de biodiversité) qui se trouvent être difficiles à estimer. Bien que leurs impacts soient difficiles à quantifier et maîtriser, il ne faut les ignorer mais au contraire les étudier davantage car seront assurément les plus destructeurs à long terme et ceci sans compter les préoccupations des seuils de basculements comme les nappes glaciaires instables et l’inversion des courant océaniques.

Par la suite, Nordhaus traite des stratégies et coûts du ralentissement du changement climatique, tels l’adaptation, la géo-ingénierie ou encore l’atténuation. Il retient comme idée que les travaux en science économique et ingénierie montrent qu’il est réalisable de contenir le changement climatique dans des limites sûres de température. Cependant l’efficacité requiert non seulement une participation quasi-universelle et coopérative où les pays se mêle à l’effort rapidement (dans les quelques décennies à venir selon Nordhaus, ce qui ne parait pas assez alarmant) mais exige également de la rentabilité atteinte si tous les secteurs et pays subissent des coûts marginaux de réductions des émissions de GES approximativement similaires.

Enfin, l’auteur examine les problématiques centrales de la politique climatique au niveau national et international en mettant en avant l’analyse coûts-avantages, le rôle central de la tarification du carbone (taxe carbone contre plafonnement et échange), la conception d’incitation à participer et l’esquive du comportement de passager clandestin des pays lors des accords mondiaux/régionaux, ainsi que l’importance de la technologie pour une économie bas-carbone.

Il existe beaucoup  d’obstacles à surmonter pour la mise au point d’une politique climatique rationnelle dont notamment les détracteurs de climatologie et les arguments fallacieux qui peuvent influencer l’opinion publique ou encore le décalage entre le coût d’une politique aujourd’hui et les bénéfices climatiques de celle-ci qui ne sont visibles qu’à long terme. Néanmoins, l’objectif essentiel à retenir ici est la hausse du prix des émissions de CO2 (et autres GES) qui doit impérativement continuer à être ciblé.

De manière générale, ce livre est accessible au grand public car propose une vue d’ensemble vulgarisée des différentes grandes problématiques du changement climatique tout en tenant compte de leurs enjeux économiques, cependant notons que les exemples utilisés par Nordhaus se concentre malheureusement essentiellement sur la région des Etats-Unis.

Marco Monnier, chargé de recherche stagiaire « Adaptation des ménages ruraux sous incertitude et risques des chocs météorologiques en Afrique Subsaharienne »

[1], Williams Nordhaus, « Le Casino climatique : risques, incertitudes et solutions économiques face à un monde en réchauffement, (2013 1ere édition, 2019 2eme édition), 24,90€, 352 pages