Club de lecture

La Chaire a lu pour vous : Le vent nous portera : le pari gagnant de la transition énergétique de J-Y. Grandidier et G.Luneau

Publié le 27 mai 2019

Malgré une situation géographique privilégiée, tant en termes de potentiel éolien et solaire que d’interconnexions, la France affiche un certain retard en matière de déploiement des énergies renouvelables par rapport à ses homologues européens. Jean-Yves Grandidier et Gilles Luneau, dans leur ouvrage Le vent nous portera : le pari gagnant de la transition énergétique[1], détaillent les freins au développement des renouvelables, avec un accent particulier porté sur l’énergie éolienne.

L’ouvrage commence par présenter succinctement les technologies basées sur des sources renouvelables. D’un point de vue pratique, cette première partie met en avant le fait que les énergies éolienne, solaire et hydraulique ont un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique. Le facteur d’échelle dont elles bénéficient leur permet une certaine compétitivité économique par rapport aux énergies fossiles et nucléaire, quand les autres énergies renouvelables sont plus limitées bien qu’utiles pour des usages spécifiques, notamment dans les zones insulaires.

Les auteurs arguent que les solutions à un mix énergétique 100% renouvelable existent, comme en témoignent les immenses progrès réalisés dans les technologies éoliennes et solaires. Mais une transition vers une énergie totalement verte est rendue difficile par une certaine « culture des fossiles », donnant lieu à des blocages venus à la fois de l’administration, des lobbies des fossiles et du nucléaire, et d’une partie de la société civile, mal sensibilisée à la question de la transition énergétique. Dans la seconde partie du livre, les auteurs rappellent les législations qui s’imposent aux développeurs de parcs ainsi que le contexte de leur entrée en vigueur.

Ils expliquent comment les législations ont contribué jusqu’au début de la décennie 2010 à brider le développement de l’éolien : conditionnement par la loi Grenelle II des ZDE (Zones de Développement Eolien) à un minimum de 5 mâts, évinçant les projets les plus modestes ; classification des parcs éoliens comme ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement), porte ouverte aux recours ; ou encore incompatibilité entre loi Littoral et loi Grenelle II sur la distance à respecter entre éolienne et habitations. Si une partie de ces obstacles ont été levés successivement par la loi Brottes (2013) et la loi de transition énergétique (2015), ceci permet aux auteurs de rebondir sur des questions de fond, de la tradition pro-nucléaire ancrée dans la sphère politique au rôle de frein joué par l’armée dans la limitation de la hauteur des mâts. Ils entendent par ailleurs casser certaines idées reçues à propos de l’éolien, telles que ses effets néfastes sur la faune, les nuisances sonores qu’il induit ou son nécessaire couplage avec l’énergie carbonée.

Jean-Yves Grandidier, riche de son expérience dans le développement de projets, donne la part belle au développement participatif du parc renouvelable, étayant son propos par des exemples concrets et soulignant l’importance des collectivités locales et de la participation citoyenne. L’occasion pour les auteurs de se livrer à une réflexion sur les notions de service public et d’intérêt général, représentées historiquement par les monopoles d’Etat, comme cela a été le cas pour l’électricité. Ils prônent une vision plus globale des enjeux climatiques – une sorte d’intérêt général supranational – couplé avec une gestion territoriale des services énergétiques qui permettrait un développement des renouvelables intégrant les spécificités locales.

Convaincus qu’en 2050, le rapport de l’Homme à l’énergie aura été drastiquement modifié par l’urgence climatique, c’est finalement un point de vue tant critique que pédagogique que proposent Jean-Yves Grandidier et Gilles Luneau. Une lecture d’intérêt pour quiconque souhaite connaître les rouages du développement des renouvelables et le parcours d’obstacles, administratifs et autres, que doivent affronter les acteurs de la transition énergétique.

Valentin Lignau, Doctorant « Le brevet comme instrument de suivi et de conduite d’une politique d’innovation bas-carbone »

[1] Editions ALTERNATIVES-Gallimard, 2017, 192p.