Faire admettre la responsabilité humaine dans le changement climatique dans le débat public a été long et difficile. Cette lenteur aurait pu s’expliquer par le caractère exceptionnel du changement climatique dans l’histoire des sociétés, tant par son ampleur que par sa soudaineté.
Au contraire, Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher montrent que le climat a été longtemps partie intégrante des débats politiques depuis le XVe siècle. Dans Les révoltes du ciel[1], les deux historiens discutent du rapport au changement climatique dans les sociétés occidentales entre les XVe et XXe siècles. A travers une quinzaine de chapitres relativement indépendants, les auteurs exposent les épisodes marquants de l’histoire scientifique, économique et politique de la perception du climat.
Durant les siècles qui ont précédés la révolution industrielle, les économies étaient principalement agraires. Les sociétés étaient donc à la merci des aléas climatiques. Ce contexte a créé une véritable angoisse sur le devenir du climat et de l’éventuel influence humaine dans cette évolution. Cette angoisse s’est diffusée dans les milieux scientifiques et politiques et a donné lieu à d’intenses débats.
Si les mécanismes du changement climatique, l’effet de serre notamment, ne sont connus depuis que depuis une centaine d’année, géologues, physiciens, biologistes, botanistes et philosophes ont étudié et pensé le climat. En particulier, la question d’un impact humain sur la stabilité climatique a été l’un des sujets les plus notables. Il s’agissait de savoir comment les usages des sols, en premier la déforestation, pouvait améliorer le climat ou non.
Tantôt espéré, tantôt redouté, le changement climatique et son origine anthropique s’est intercalée dans de nombreux débats politiques durant les siècles. On le retrouvera ainsi dans les débats sur la justification de la colonisation des Amériques, sur les transitions politiques en France depuis la révolution, et même sur le rôle de l’état dans la gestion du patrimoine national.
Les forêts occupent une place particulière dans ces débats. Les discours scientifiques ont reconnu très tôt, via le cycle de l’eau, le lien entre leur gestion et le climat. D’une part, le bois est alors un des matériaux les plus cruciaux car à la fois combustible et matériel de construction. D’autre part, le défrichement développe l’agriculture. En France, la gestion forestière est alors un terrain de bataille politique entre propriétaires et utilisateurs, libéraux et conservateurs.
La révolution industrielle va bouleverser l’essence de ces débats. Par exemple, l’essor du chemin développe une intégration commerciale internationale, et réduits les risques sur les populations. Le développement économique va alors éteindre les angoisses sur le climat. Si bien que pour Fressoz et Locher, l’actuelle prise de conscience climatique marque la fin d’une amnésie plutôt que d’une découverte des liens entre nature et culture.
Quentin Hoarau, doctorant « Politiques environnementales dans le secteur automobile »
[1] Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, « Les révoltes du ciel », Seuil, 2020.