Quel Climat pour vous, vos enfants, vos petits-enfants ? [1] est la retranscription écrite de la conférence tenue par Madame Valérie Masson-Delmotte, paléo climatologue directrice de recherche au CEA et coprésidente du groupe 1 du GIEC, à Versailles le 30 juin 2019. De fait, l’ouvrage est divisé selon le déroulement classique d’une conférence. La première partie est consacrée au discours de la physicienne, dont l’objectif est d’offrir des clés de compréhension du climat et de ses évolutions, tandis que la deuxième retrace la discussion avec les auditeurs qui s’en est ensuivi.
Valérie Masson-Delmotte commence par le constat auquel la communauté scientifique est arrivée qui est que le climat se réchauffe depuis 1850. Au moment de la conférence, la température moyenne dans le monde est un degré plus élevé par rapport à l’ère préindustrielle, et un degré et demi plus élevé en France. Si les changements climatiques ne sont pas nouveaux, le réchauffement actuel est inédit sur un temps si court : les variations glaciaires et interglaciaires se sont auparavant déroulées sur des échelles de temps de l’ordre de 20 000 à 400 000 ans.
Les changements climatiques passés s’expliquent par deux phénomènes. D’abord, « la pichenette de départ est le changement de répartition d’ensoleillement en fonction des latitudes et des saisons à échelles de temps de milliers d’années mais la Terre amplifie aussi ces perturbations » par le jeu de boucles rétroactives. Par exemple, la fonte des neiges et des glaces diminue l’effet de réverbération de la chaleur et provoque la montée du niveau des mers. En se réchauffant, celles-ci libèrent du CO2 ; dans les régions tropicales, les zones humides exhalent du méthane ; avec la chaleur, la concentration de vapeur d’eau dans l’air augmente, et avec elle s’intensifie l’effet de serre. Ainsi, seuls cinq degrés en moyenne à la surface de la Terre séparent un état doux d’un état glaciaire.
Aujourd’hui, l’évolution du climat n’est pas due à la position de la terre par rapport au soleil, ni à l’activité solaire ou volcanique : ces variations provoquent des changements trop lents, de l’ordre de 1°c par millénaire. Il est dû à l’activité humaine, émettrice de gaz à effet de serre depuis les années 1750. Ces émissions en grande partie dues à l’utilisation d’énergie fossile changeant la composition de l’atmosphère. Les niveaux de dioxydes de carbone, de méthane et d’oxyde nitreux sont respectivement à 1,4, 2,5 et 1,3 fois plus élevés que les niveaux préindustriels. Ces gaz piègent la chaleur sur Terre et leur effet est amplifié par les boucles rétroactives du climat.
Toutefois, comme l’explique Mme Masson-Delmotte, « les milieux naturels nous aident à limiter l’ampleur de la perturbation climatique. » Les Océans capturent 20 à 30% des émissions de CO2, au détriment de la biodiversité sous-marine, qui pâtit du changement de la composition chimique de l’eau. La végétation et les sols absorbent également environs 30% des émissions du fait de l’effet fertilisant du CO2. « 15 à 40% [des émissions dans l’atmosphère aujourd’hui] continueront à y être et changement le climat sur une échelle de temps de l’ordre de deux mille ans. »
Pour la chaleur, le réchauffement de l’air, des sols et la fonte des glaces représentent respectivement 2%, 5% et 3% de l’énergie supplémentaire emmagasinée. 90% de cette dernière est absorbée par les océans. Si les océans nous aident, ils entretiennent également le réchauffement sur la durée du fait des courants marins. « Nous ne pouvons donc pas revenir en arrière avec le réchauffement climatique. » Le réchauffement établi aujourd’hui à un degré par rapport à l’ère préindustrielle ne peut être stoppé à court-terme, mais il peut être stabilisé.
Si nous arrêtons d’émettre des gaz à effet de serre, dans le meilleur des cas, le niveau des mers continuera à monter pendant plusieurs siècles pour atteindre une hausse de 1m50 ; les jours chauds avec records de chaleurs se multiplieront de même que les pluies torrentielles et les tempêtes.
Si nous continuons au rythme actuel, le réchauffement atteindra +1,5°c dans la période 2030-2035. Dans ces conditions, 100 millions de personnes seraient touchées par la monté des mers ; le nombre de personnes en insécurité face à l’eau doublerait, les rendements agricoles des céréales et la pêche diminueraient ; une perte importante de biodiversité serait attendue. Aussi, de façon très imagée, « quand nous mettons une tonne de CO2 dans l’atmosphère cela représente à la fin de l’été 3 mètres carrés de banquise en moins ».
Les promesses de la COP21 sont insuffisantes pour atteindre une trajectoire de stabilisation du réchauffement climatique : « si elles se réalisent, elles impliquent que les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent à augmenter jusque 2030. Alors que si nous voulons contenir le réchauffement largement en dessous de deux degrés, il faut que les émissions baissent d’un quart d’ici 2030. »
Cependant, Mme Masson-Delmotte termine avec une note positive en parcourant les solutions disponibles pour stabiliser les évolutions climatiques. Il faudrait pour cela décarboner la production d’énergie et ses usages finaux, ce qui semble faisable avec la baisse de prix des renouvelables et l’électrification des usages. Il s’agirait également de transformer les villes et les modes de vies en se concentrant sur les synergies et en incluant l’ensemble de la société. « Si nous agissons tous collectivement maintenant pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous avons une chance que les évolutions se poursuivent au rythme actuel jusqu’en 2050 puis se stabilisent. »
Coline Metta Versmessen, doctorante Caractérisation des interactions entre les régulations du Partage de l’Effort et le marché EU-ETS.
[1] Valérie Masson-Delmotte Quel Climat pour vous, vos enfants, vos petits-enfants ? Edition Bayard, Série: Les Petites Conférences, 2021, 90 p.