Les villes sont très représentatives des problèmes soulevés par l’impact des activités humaines sur notre planète : production de gaz à effet de serre, accumulation de déchets, utilisation intensive de ressources naturelles, pollution des milieux, artificialisation des terres… Par ailleurs, la part de la population urbaine est vouée à augmenter fortement dans les prochaines années, notamment dans les pays en développement. Les villes sont ainsi le berceau de nombreux projets visant à réduire l’impact de ces foyers urbains pour combiner développement et sobriété.
Fort de ce constat, Villes sobres[1] cherche à analyser différents exemples où la vision de la ville telle que nous la connaissons a été repensée. Avec l’aide d’une méthodologie rigoureuse, cet ouvrage offre un regard critique sur les actions mises en place par des villes diverses, appuyé par un important travail d’analyse. En s’appuyant sur neuf études de cas qualitatives et quantitatives portant sur des métropoles très différentes, il nous offre un panorama très riche et argumenté des efforts de sobriété déployés, ainsi que des limites qui peuvent les contrarier. Au-delà de la simple mise en place d’écoquartiers, ce sont des ensembles urbains parfois très vastes et complexes qui sont détaillés, chacun avec ses problématiques propres.
Après l’exposition de villes occidentales qui recherchent des synergies, notamment sur le plan énergétique (Genève et Vancouver), les auteurs analysent deux exemples de gestion sobre des ressources en eau. En effet, certaines villes mettent en place des projets urbains propres à leurs contraintes. C’est le cas de Singapour et de Windhoek[2], pour lesquelles l’accès à l’eau représente un enjeu stratégique majeur, la première à cause de son indépendance vis à vis de la Malaisie voisine et la seconde pour la rareté de la ressource dans cette région du monde. Ainsi, l’objectif visé est de gérer et anticiper les contraintes énergétiques et d’accès à l’eau potable.
Par la suite, l’ouvrage se penche sur le cas de métropoles appartenant à des pays émergeants. Le cas de Delhi est représentatif des problèmes multiples qui concernent certains ensembles urbains d’Asie : une taille immense et des services insuffisants pour les déchets et les eaux usées notamment. Si les enjeux techniques sont importants, les auteurs s’attardent sur la dimension sociale des projets en cours, alors que des initiatives décentralisées peuvent laisser pour compte certains quartiers très pauvres.
Dans une autre mesure, la ville de Lima doit quant à elle faire face à l’instabilité et à la défaillance de ses institutions en matière de gestion de l’eau. En effet, au-delà des défis technologiques, les leviers institutionnels se révèlent d’une grande importance dans le travail de décomposition puis d’étude des systèmes de gestion de métropoles, ce qui contribue à une analyse en profondeur de leur fonctionnement et non pas un simple inventaire. Dans le cas de Lima, les acteurs sectoriels mettent en place leur propres modèles de gestion à travers des privatisations et la décentralisation des activités sans coordination suffisante de l’autorité régulatrice.
Enfin, Villes sobres s’intéresse aux objets urbains qui existent parallèlement aux fonctions de logement des zones urbaines : aéroports (Amsterdam-Schiphol) et parcs industriels (Suzhou Industrial Park et Shanghai Chemical Industry Park). Ces structures sont fortement conditionnées par leur implantation de départ qui peut limiter les possibilités d’évolution. Néanmoins, une volonté politique couplée à des contraintes fortes peut, a posteriori, infléchir les trajectoires de ces ensembles vers plus de sobriété et de symbiose.
Avec ces analyses d’une tout autre échelle qui viennent encore enrichir le travail des auteurs, on a une vision globale des axes de développement plus durables envisageables pour les villes, mais on est en droit de se demander quel est encore le chemin à parcourir pour généraliser ces projets au reste de la planète.
Etienne Lorang, Doctorant « Economie Circulaire, Recyclage, Emissions de CO2 »
[1] Dominique Lorrain, Charlotte Halpern, Catherine Chevauché : Villes sobres: Nouveaux modèles de gestion des ressources. Presses de SciencesPo 2018, 360 pages.
[2] Capitale de la Namibie