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3 questions à Olivier Massol

Publié le 24 janvier 2018

Olivier Massol, nouvellement chercheur associé à la Chaire, est professeur associé à l’IFPEN. Il est docteur en sciences économiques (City University London), ingénieur diplômé d’IFP School et ingénieur Civil des Mines (St Etienne, 1998). Il est également titulaire d’un DEA en économie industrielle (Université Paris-Dauphine) ainsi que d’une Licence et d’une Maîtrise en sciences économiques (Université de St Etienne).

Pourquoi s’intéresser à la capture et au stockage du CO2 (CSC) dans l’industrie ?

Le déploiement massif du captage et stockage du CO2 (CSC) dans l’industrie est un enjeu majeur pour la lutte contre le changement climatique. Pendant trop longtemps, l’attention portée à cette technologie s’est focalisée sur son application dans la génération électrique alors qu’elle offre un potentiel d’abattement important dans les activités industrielles pour lesquelles il n’existe que très peu d’alternatives techniques (ex. : aciéries, cimenteries, usines de pâte à papier, raffineries). Un déploiement dans ces secteurs est aujourd’hui indispensable pour le respect des objectifs climatiques. Par ailleurs, l’alimentation d’usines équipées CSC par de la biomasse peut générer des émissions négatives (le CO2 prélevé de l’atmosphère par les plantes est alors injecté dans le sous-sol), ce qui faciliterait la solution de l’équation climatique. Si le déploiement du CSC dans ces secteurs apparaît comme socialement souhaitable, force est de constater que les progrès en la matière restent particulièrement lents. Pour l’instant, seules quelques rares initiatives industrielles ont vu le jour. Face à cela, il est urgent d’étudier froidement les obstacles au déploiement de ces technologies afin de déterminer s’ils peuvent être dépassés au moyen de politiques publiques adaptées.

Quels sont les principaux freins à la mise en place de technologies CSC à grande échelle en Europe ?

Ces freins sont multiples. Au-delà des discussions techniques sur les méthodes de captage ou de stockage, de très nombreuses questions économiques doivent faire l’objet d’un examen. Tout d’abord, il convient de bien comprendre la nature des choix auxquels sont confrontés les émetteurs de CO2. Pour un opérateur industriel, la décision d’installer un équipement de captage de CO2 sur un site industriel est un choix irréversible qui peut engendrer des surcoûts. Cette décision peut être analysée comme une la possibilité d’exercer une option qui sera ou non activée en fonction de l’évolution future des prix du carbone et des coûts de la technologie. Ces évolutions étant incertaines, attendre peut être un choix rationnel. Pour dépasser cet attentisme, des politiques incitatives peuvent être mises en place (par exemple une combinaison d’incitants fiscaux et d’obligations réglementaires). Leur architecture et leur calibration requiert de la minutie. En effet, ces politiques doivent prendre en compte : l’existence d’interactions stratégiques entre acteurs (par exemple via la courbe d’apprentissage) ; la situation propre à chaque secteur industriel (un traitement identique peut-il être appliqué à une industrie essentiellement locale comme le ciment et à des industries soumises à une forte concurrence internationale comme l’acier, l’industrie chimique ou le raffinage pétrolier ?). Au niveau du transport, l’une des gageures réside dans la construction d’une infrastructure de grande taille. Pour que cette construction puisse être décidée, il faut absolument que les conditions d’une coopération entre les émetteurs soient vérifiées. Or cette coopération n’est pas simple à organiser. Des travaux récents ont par exemple montré que la volonté d’imposer une tarification non-discriminante aux utilisateurs de l’infrastructure pouvait compromettre l’existence d’une l’infrastructure.

Enfin, au niveau du stockage (et plus particulièrement lorsque celui-ci s’effectue à terre), la question de l’acceptabilité des sites de stockage par les populations reste posée.

Que vous apporte votre implication en tant que chercheur associé à la Chaire ?

J’ai suivi avec attention, intérêt et aussi admiration la genèse et l’essor de la Chaire Economie du Climat. Au cours de ces années, cette initiative a démontré une remarquable capacité à engendrer des travaux d’une grande qualité scientifique tout en ayant toujours pour boussole l’impératif de contribuer utilement aux débats économiques contemporains sur les sujets climatiques. Ce double souci est assez rare. Pour un chercheur associé, la Chaire présente trois caractéristiques essentielles.Tout d’abord, la Chaire est une passerelle entre plusieurs mondes : entreprises, centres de recherche,  institutions publiques, universités, grandes écoles. En permettant la confrontation utile des points de vue, elle aide les chercheurs à détecter les sujets importants et d’actualité. En sens inverse, elle permet une dissémination élargie des travaux en dehors du strict cénacle académique. Ensuite, la Chaire est une ruche : elle rassemble des personnes remarquables, les fédère autour d’objectifs de recherche communs et les incite à mettre en commun leurs savoirs et compétences. Mes interactions avec les membres de la Chaire m’ont montré que cette structure permet le jaillissement d’idées nouvelles qui seraient restées insoupçonnées sans ces interactions. Elle nous offre en cela un bel exemple de super-additivité où le tout devient supérieur à la somme des individus.

Pour conclure, la Chaire est un incubateur : elle permet aux idées de mûrir et de se transformer en projets concrets et financés (de nouveaux stages et/ou des projets de thèse) qui facilitent l’éclosion d’un nouvelle génération de jeune chercheurs.