Par Marc Baudry, Edouard Civel et Anna Creti.
JEL Codes : Q41, Q48, C18, D12
Deux travaux de recherche originaux nous permettent de contribuer au débat sur l’efficacité énergétique : une analyse agrégée (i.e. méta-analyse) de la littérature académique sur les rénovations énergétiques et une étude empirique de la consommation réelle d’énergie des maisons françaises.
Notre méta-analyse des études menées sur les rénovations énergétiques sur différents pays (essentiellement Europe et Amérique du Nord) démontre que :
- Les travaux de rénovation énergétique génèrent une réduction statistiquement significative de la facture d’énergie des ménages. Ainsi, pour des travaux de rénovation énergétique d’un montant de 3 970 €, la méta-analyse prédit une réduction de 11,6 % de la facture.
Notre étude empirique permet une analyse en coupe de la consommation réelle d’énergie de plus de 130 000 maisons en France. Si une dispersion très importante des consommations réelles est constatée pour un même besoin annuel en énergie finale tel que calculé par le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), l’étude met en évidence une évolution en « S » de la consommation réelle moyenne au regard de la performance :
- Les maisons dont le DPE prédit une meilleure performance, majoritairement des logements classés A, B et C, ont logiquement les consommations d’énergie réelles les plus faibles de l’échantillon. Lorsque la performance se dégrade, la consommation réelle moyenne d’énergie finale augmente fortement. Enfin, cette consommation continue d’augmenter mais beaucoup plus modérément pour les logements les moins performants (majoritairement des classes E, F et G), menant à cette courbe en « S ». Cette saturation peut notamment être expliquée par la contrainte budgétaire des ménages.
- L’amélioration de la performance énergétique des logements peu performants a donc paradoxalement un effet marginal croissant sur la réduction de la facture énergétique. Dans le cadre de rénovations par gestes, les gains initiaux de performance énergétique seraient essentiellement convertis en rattrapage de confort par les ménages qui étaient dans une situation de forte restriction (mécanisme identifié sous le nom de « prebound effect » dans la littérature). En revanche les rénovations dites lourdes ou performantes, vont permettre des gains substantiels sur la consommation d’énergie réelle.
Pour s’assurer de l’efficacité de la dépense publique, si les aides à la rénovation ont pour objectif la baisse des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre, alors elles doivent cibler en priorité la réalisation des rénovations permettant d’atteindre à terme la classe B du DPE, et chez des ménages en situation de précarité énergétique, ce qui permet de répondre au double enjeu de transition écologique et juste.