Par Valentin Lignau
La question du brevet et de son rapport à l’innovation fait débat depuis des décennies. S’il est à la base un instrument d’incitation à l’innovation, qui va « récompenser » les inventeurs en leur conférant un monopôle temporaire sur leurs inventions, ses utilisations au-delà de son rôle originel, motivées par exemple par la recherche de rente, remettent en question jusqu’à son existence.
En matière de politique environnementale, le brevet est, d’une part, utilisé comme un indicateur ex-post de l’efficacité des politiques en matière d’innovation. Il peut d’autre part être promu dans l’objectif d’encourager ex-ante l’effort de recherche dans les technologies bas-carbone. On peut citer, à titre d’exemple, les procédures d’examen accélérées pour les innovations « vertes ».
La pertinence du recours au brevet dépend grandement de la nature de la relation entre volume de brevets et progrès technique. C’est tout l’objet du présent travail, appliqué au secteur de l’éolien, que d’étudier cette relation. A partir de données sur la production électrique des turbines éoliennes, l’article propose un indicateur de l’innovation dans ce secteur.
Une application de la méthode par enveloppement de données (Data Envelopment Analysis, DEA) est utilisée dans ce sens. Celle-ci permet de dégager un indice de performance technique relatif à la frontière technologique du secteur. L’évolution temporelle de cet indice pour les six principaux constructeurs présents sur le marché allemand est ensuite mise en parallèle avec l’évolution de leurs portefeuilles de brevets européens ciblant l’Allemagne, actualisés des renouvellements.
Deux phénomènes sont mis en avant : tout d’abord, le processus de brevetage décolle tardivement sur le secteur et la frontière évolue malgré l’absence de brevets. D’autre part, en présence de brevets, une relation a priori positive semble exister entre les portefeuilles de brevets des constructeurs et leurs indices de performance technique, avec cependant une certaine hétérogénéité. Cette hétérogénéité suggère une certaine prudence quant à l’utilisation du brevet comme instrument de suivi et de conduite d’une politique d’innovation bas-carbone.