Par Stéphane Gloriant
Dénommée « contribution climat énergie », la taxe carbone a été introduite en France en 2014 pour tarifer les émissions de CO2 d’origine énergétique non couvertes par le système d’échange de quotas européen. Sa montée en régime devrait s’accélérer, au-moins en ce qui concerne le taux, appelant une première évaluation de ses effets réels. C’est ce que cet Information & Débats propose, concentrant l’évaluation sur les secteurs les plus concernés. Evaluer l’impact de la taxe ne se résume pas à comparer les émissions avant et après son entrée en vigueur. Cela requiert de comparer les émissions observées sur la période à l’évolution d’un scénario « contrefactuel » représentant la trajectoire hypothétique qu’auraient suivie les émissions en son absence.
Dans la première partie, nous retraçons les éléments de contexte nécessaires pour comprendre comment le signal prix du carbone parvient aux acteurs économiques via les prix de l’énergie. L’évaluation des impacts de la taxe est ensuite effectuée dans la deuxième et troisième partie en suivant respectivement une approche ex ante et une approche ex post.
L’approche ex ante s’appuie sur le calcul d’élasticités au prix et à la taxe. Elle procède de manière indirecte en assimilant la taxe carbone à une hausse des prix des énergies fossiles, ce qui pose la question de la transmission de l’une à l’autre, mais présente l’avantage de ne pas nécessiter de recul temporel par rapport à la mise en place de la taxe. Les résultats suggèrent que la taxe carbone a induit une baisse des émissions du secteur des transports d’un montant compris entre 0,6 et 1,7 Mt de CO2 en 2017. La taxation du fioul domestique aurait de son côté réduit les émissions liées au chauffage des bâtiments de 0,7 Mt de CO2. Sur le périmètre des transports et du fioul domestique, la méthode conduit à prédire que la taxe devrait, d’ici la fin du quinquennat, induire une baisse d’émissions comprise entre 3 et 5,7 Mt de CO2 par rapport à 2017. Ces différentes estimations sont a minima car il semblerait que les consommateurs réagissent davantage à une hausse de prix provoquée par une hausse des taxes qu’à une hausse de prix induite par une variation du cours des matières premières fossiles.
L’approche ex post s’appuie quant à elle sur la méthode du « contrôle synthétique » : elle consiste à reconstituer les émissions hypothétiques de la France à partir d’un groupe de pays comparables n’ayant pas introduit de taxe carbone durant la période. Elle produit une évaluation directe au sens où on estime bien l’impact de la taxe telle qu’elle a été mise en place. Appliquée à la France sur la période 2014-2017, elle ne permet pas de conclure de façon robuste à un impact de l’introduction de la taxe carbone sur les émissions du secteur du transport ou du chauffage des bâtiments sur la période. Ce résultat peut s’expliquer par le faible nombre d’observations postérieures à la mise en place de la taxe dont on dispose pour l’instant.