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La Chaire a lu pour vous Géopolitique du climat, Négociations, stratégies, impacts par François Gemenne

Publié le 26 juin 2024

François GEMENNE est spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement et des migrations. Il est chercheur au Fonds de la recherche stratégique (FNRS) à l’université de Liège (Belgique). Il enseigne les politiques du climat et les migrations internationales à Sciences Po Paris et à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est également auteur principal pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Géopolitique du climat : Négociations, stratégies, impacts [i] analyse comment la reconnaissance des inégalités en matière d’émissions de gaz à effet de serre, d’impacts du changement climatique et de relations internationales peut favoriser la conclusion d’accords sur le climat par le biais d’une action collective. François GEMENNE souligne la nécessité d’une coopération internationale pour lutter contre le changement climatique, considérant qu’il s’agit d’un bien public mondial dont les impacts sont inégalement répartis – ceux qui polluent le moins étant ceux qui en subissent les plus lourdes conséquences. L’approche analytique et la lisibilité de l’ouvrage en font une excellente ressource pour comprendre l’évolution des relations internationales dans les efforts de lutte contre le changement climatique. Il couvre l’histoire des principaux événements et actions dans la lutte mondiale contre le changement climatique, depuis la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) jusqu’à la COP 21 de Paris en 2015. Il aborde l’évolution des négociations internationales sur le climat, y compris l’influence des puissances politiques et diplomatiques telles que les États-Unis, la Chine et l’UE, ainsi que le rôle des BRICS pour contrebalancer le poids des États-Unis et de l’Union Européenne dans les processus de négociation des accords internationaux sur le changement climatique.

Cet ouvrage, composé de neuf chapitres, peut être décomposé en trois sections principales.

La première section aborde la géographie des émissions et des impacts, explorant des questions telles que les origines des niveaux de pollution disparates et les raisons pour lesquelles certains pays sont plus vulnérables. L’explication la plus répandue pour expliquer les niveaux de pollution plus élevés de certains pays étant celle de la courbe environnementale de Kuznets, qui établit un lien clair entre la croissance économique et l’impact sur l’environnement. D’autres facteurs contribuent également à cet état de fait : la démographie, en particulier la structure et le régime alimentaire de la population ; les politiques énergétiques ; les éléments géographiques tels que le climat, la distance par rapport aux centres urbains ; ou encore la disponibilité des ressources naturelles.

La deuxième partie se concentre sur les impacts de la géopolitique du changement climatique, y compris les migrations climatiques et les questions de sécurité. Les catastrophes naturelles, l’élévation du niveau des mers et le stress hydrique sont les principales sources de migrations climatiques, qui peuvent se produire à une échelle nationale ou internationale. Le changement climatique est un défi sécuritaire majeur, notamment en raison de la rareté des ressources naturelles et de la corrélation entre les migrations et la criminalité.
Cependant, la prise en compte du changement climatique en tant que problème de sécurité internationale divise. Les pays industrialisés, dont les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et les pays de l’UE, s’opposent au groupe de pays émergents, dont la Russie, l’Inde et la Chine, sur cette question. Craignant que les pays industrialisés ne diluent leur responsabilité si le changement climatique est considéré comme une question de sécurité, les pays émergents s’opposent à l’idée que le Conseil de sécurité des Nations unies le catégorise comme tel. Selon l’auteur, il n’y a pas de consensus sur la question dans la sphère scientifique. Si la corrélation est établie, la causalité, elle, ne l’est pas.

Enfin, la troisième partie de l’ouvrage aborde les enjeux cruciaux de la coopération internationale, des mécanismes de réduction des émissions de GES et du partage des efforts de réduction des émissions à travers le monde. L’auteur insiste sur le caractère essentiel de la coopération internationale, l’action de quelques pays seulement ne suffisant pas à atténuer les effets du réchauffement climatique. Les principaux émetteurs comme l’UE, les États-Unis et les BRICS devront travailler ensemble. Actuellement, cette coopération passe principalement par les travaux scientifiques du GIEC et par des actions politiques telles que la conférence des parties (COP).
Les négociations se focalisent sur le partage des coûts de réduction entre les pays développés et les pays en développement. Les pays en développement, exemptés de réductions obligatoires, sont des participants essentiels en raison de l’augmentation rapide de leurs émissions et de leurs coûts d’abattement plus faibles. Cette exemption découle du principe de la « responsabilités commune mais différenciées », établi dans le protocole de Kyoto, dont l’objectif est d’assurer l’équité, la capacité et la responsabilité de chacun dans l’action climatique mondiale.       
Cependant, certains obstacles subsistent. En particulier, ils peuvent résider dans la définition des pays en développement, notamment des BRICS, et dans la détermination de la manière de répartir les efforts de réduction. Les approches comprennent des quotas d’émission basés sur la responsabilité historique, l’intensité énergétique ou les émissions par habitant, chacune ayant des implications différentes pour les pays développés et les pays en développement. Une autre proposition émergente est celle des quotas d’émission individuels, chaque citoyen se voyant attribuer un certain nombre de quotas annuels échangeables sur un marché mondial du carbone.

En conclusion, « Géopolitique du climat : Négociations, stratégies, impacts » fournit une analyse exhaustive des efforts internationaux en matière de lutte contre le changement climatique. Il souligne la nécessité d’une coopération internationale entre les principaux émetteurs et explore les impacts géopolitiques du changement climatique, tels que les migrations et les problèmes de sécurité. L’ouvrage souligne l’importance de la collaboration scientifique et politique dans le cadre des conférences du GIEC et des COP, tout en examinant diverses approches en vue d’une réduction équitable des émissions. Le principe de la « responsabilité communes mais différenciées » est au cœur de ces efforts et permet de réfléchir à la justice et aux inégalités face à l’aggravation des effets du changement climatique. Dans l’ensemble, il souligne le besoin critique d’une action basée sur la coopération et la confiance, afin de parvenir à des accords équitables qui nous permettront de lutter efficacement contre le changement climatique.

Ibrahim Kabore, doctorant ULHN/CEC.

[i] Gemenne. F., Géopolitique du climat, Négociations, stratégies, impacts, Ed. Armand Colin, parution 2015, pp.240.